La pénibilité au travail : L’évaluer, la déclarer, les salariés concernés

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La dernière réforme des retraites, portée par une loi du 20 janvier 2014, la loi pénibilité 2014, a souhaité prendre en compte la pénibilité au travail pour permettre aux salariés concernés de bénéficier de mesures spécifiques, mises en œuvre pour la fin de carrière.

 

La pénibilité au travail : Définition et modalités d’application

La pénibilité au travail se définit comme une exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé.

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Ainsi, toute entreprise doit prévenir la pénibilité au travail, quels que soient sa taille, son statut juridique et ses activités.

Lorsqu’un salarié est exposé à des facteurs de pénibilité au-delà de certains seuils, l’employeur doit en faire la déclaration. Le salarié bénéficie alors d’un compte personnel de prévention de la pénibilité sur lequel il peut accumuler des points.

Ce nouveau système est financé par une cotisation sociale supplémentaire pour les employeurs. Jusqu’au 16 août 2015, le système de déclaration était controversé car très complexe à mettre en œuvre.

Aussi, la loi relative au dialogue social et à l’emploi, du 17 août 2015, a aménagé le dispositif de prévention de la pénibilité afin de simplifier son application par les entreprises.

Nous vous présentons ci-dessous cette nouvelle réglementation et votre nouvelle obligation.

 

Les salariés concernés par la pénibilité au travail

Les salariés concernés par la pénibilité au travail sont ceux exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité au-delà des seuils définis par les textes. Ces seuils, définis à l’article D 4161-2 du Code du travail, sont appréciés annuellement.

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Les facteurs de pénibilité entrent en vigueur de manière échelonnée (voir annexe 1 ci-dessous).

En 2015, les facteurs en vigueur sont :

  • Le travail de nuit.
  • L’activité exercée en milieu hyperbare.
  • Le travail en équipes successives alternantes.
  • Le travail répétitif à une cadence contrainte.

À partir de 2016, s’ajoutent les facteurs de :

  • Manutention manuelle de charges lourdes.
  • Postures pénibles.
  • Vibrations mécaniques.
  • Agents chimiques dangereux.
  • Températures extrêmes.
  • Exposition au bruit.

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Déclaration de l’employeur

Initialement une fiche individuelle de prévention devait être complétée et mise à jour par l’employeur. La loi du 17 août 2015 a supprimé cette fiche.

Elle est remplacée par une déclaration annuelle de l’employeur de l’exposition de ses salariés, effectuée de façon dématérialisée, via la déclaration annuelle des données sociales (DADS) ou la déclaration sociale nominative (DSN), auprès des caisses de retraite chargées de la tenue des comptes pénibilité.

La procédure d’appréciation de l’exposition des salariés aux risques professionnels par l’employeur a par ailleurs été simplifiée et sécurisée.

  • Un accord collectif de branche étendu pourra déterminer l’exposition des travailleurs à un ou plusieurs des facteurs de risques professionnels au-delà des seuils réglementaires par des situations types d’exposition, faisant notamment référence aux postes occupés, aux métiers, aux situations de travail et aux mesures de protection collective et individuelle appliquées.
  • En l’absence d’accord collectif de branche étendu, les employeurs pourront appliquer des référentiels professionnels de branche homologués pour évaluer plus facilement l’exposition de leurs salariés à la pénibilité.
  • À défaut, l’employeur devra évaluer lui-même l’exposition des salariés. À notre connaissance, aujourd’hui, ces accords collectifs de branche et ces référentiels n’existent pas encore.

À découvrir : Le travail dissimulé.

 

Les cotisations patronales au titre de la pénibilité

Deux nouvelles cotisations patronales au titre de la pénibilité ont été créées :

  • Une cotisation de base de 0,01% appelée sur la rémunération de tous les salariés sur les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2017.
  • Cotisations additionnelles sur la rémunération des salariés exposés au-delà des seuils, sur les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2015.
    • 0,10% pour les années 2015 et 2016 et à 0,20% à compter de l’année 2017, au titre des salariés ayant été exposés à un seul facteur de pénibilité au-delà des seuils d’exposition.
    • 0,20 % pour les années 2015 et 2016 et à 0,40 % à compter de l’année 2017, au titre des salariés ayant été exposés simultanément à plusieurs facteurs de pénibilité au-delà des seuils d’exposition.

À lire : Les cotisations sociales sur dividendes perçus par les dirigeants de SA et SAS.

 

Contrôle par les caisses

Les caisses de retraite chargées de la tenue des comptes pénibilité pourront effectuer un contrôle sur pièces ou sur place portant sur les 3 années civiles précédentes.

En cas de redressement, la caisse régularise le nombre de points affectés sur le compte et la cotisation spécifique.

Une pénalité financière pourra être appliquée, d’un montant maximum de 50% du plafond mensuel de la sécurité sociale (soit 1585€ en 2015).

En cas d’erreur constatée, l’employeur qui applique les stipulations d’un accord de branche étendu ou d’un référentiel professionnel de branche homologué ne pourra se voir appliquer les pénalités et majorations de retard applicables au titre de la régularisation de cotisations qui en découle.

 

Compte personnel de prévention de la pénibilité

Un compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) a été institué depuis le 1er janvier 2015 au bénéfice de l’ensemble des salariés exposés à ces facteurs de pénibilité au travail.

Au vu des déclarations de l’employeur, les caisses doivent, chaque année, informer les salariés de leur exposition et du nombre de points dont ils bénéficient, étant désormais précisé que le relevé de points doit indiquer chaque contrat de travail ayant donné lieu à déclaration et les facteurs d’exposition.

Le C3P permettra aux salariés exposés d’acquérir des points qui pourront être utilisés pour se former, réduire leur durée du travail pour passer à temps partiel ou majorer la durée d’assurance requise pour avoir une retraite à taux plein et bénéficier d’une retraite anticipée au titre des carrières longues.

 

Négociation relative à la prévention de la pénibilité

De 2015 à 2017, les entreprises d’au moins 50 salariés exposant au moins 50% de leur effectif à l’un des facteurs de risques professionnels doivent conclure un accord collectif sur la prévention de la pénibilité.

Dès 2018, seront concernées les entreprises d’au moins 50 salariés exposant au moins 25% de leur effectif à l’un des facteurs de risques.

Il est également possible d’établir un plan d’action à la seule condition d’attester que l’entreprise n’a pas réussi à conclure un accord en produisant un procès-verbal de désaccord dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux. Les accords peuvent également être négociés par des représentants du personnel ou, à défaut des salariés mandatés.

Les entreprises de moins de 300 salariés, couvertes par un accord de branche étendu, peuvent simplement appliquer cet accord.

 

Document unique d’évaluation des risques : pierre angulaire du dispositif

Pour respecter cette nouvelle obligation, le document unique d’évaluation des risques (DUER) de l’entreprise doit obligatoirement être mis à jour. En effet, l’article R 4121-1-1 impose d’ajouter à votre DUER, une annexe qui évalue la nature des facteurs de pénibilité présents et détermine la proportion de salariés exposés.

Nous attirons votre attention sur le fait que la seule absence de DUER dans l’entreprise cause nécessairement un préjudice au salarié qui peut en demander réparation auprès du Conseil de Prud’hommes.

À lire : Le document unique d’évaluation des risques est obligatoire.

 

Annexes concernant la pénibilité au travail

Tableau 1 : Seuils au titre des contraintes physiques marquées

FACTEUR DE RISQUES PROFESSIONNELS  SEUIL 
ACTION OU SITUATION  INTENSITÉ MINIMALE  DURÉE MINIMALE
a) Manutentions manuelles de charges définies à l’article R. 4541-2 Lever ou porter Charge unitaire de 15 kilogrammes 600 heures par an
Pousser ou tirer Charge unitaire de 250 kilogrammes
Déplacement du travailleur avec la charge ou prise de la charge au sol ou à une hauteur située au-dessus des épaules Charge unitaire de 10 kilogrammes
Cumul de manutentions de charges 7,5 tonnes cumulées par jour 120 jours par an
b) Postures pénibles définies comme positions forcées des articulations Maintien des bras en l’air à une hauteur située au-dessus des épaules ou positions accroupies ou à genoux ou positions du torse en torsion à 30 degrés ou positions du torse fléchi à 45 degrés 900 heures par an
c) Vibrations mécaniques mentionnées à l’article R. 4441-1 Vibrations transmises aux mains et aux bras Valeur d’exposition rapportée à une période de référence de 8 heures de 2,5 m/ s2 450 heures par an
Vibrations transmises à l’ensemble du corps Valeur d’exposition rapportée à une période de référence de 8 heures de 0,5 m/ s2

 

Tableau 2 : Seuils au titre de l’environnement physique agressif

FACTEUR DE RISQUES PROFESSIONNELS  SEUIL 
ACTION OU SITUATION  INTENSITÉ MINIMALE  DURÉE MINIMALE 
a) Agents chimiques dangereux mentionnés aux articles R. 4412-3 et R. 4412-60, y compris les poussières et les fumées Exposition à un agent chimique dangereux relevant d’une ou plusieurs classes ou catégories de danger définies à l’annexe I du règlement (CE) n° 1272/2008 et figurant dans un arrêté du ministre chargé du travail Le seuil est déterminé, pour chacun des agents chimiques dangereux, par application d’une grille d’évaluation prenant en compte le type de pénétration, la classe d’émission ou de contact de l’agent chimique concerné, le procédé d’utilisation ou de fabrication, les mesures de protection collective ou individuelle mises en œuvre et la durée d’exposition, qui est définie par arrêté du ministre chargé du travail et du ministre chargé de la santé
b) Activités exercées en milieu hyperbare définies à l’article R. 4461-1 Interventions ou travaux 1 200 hectopascals 60 interventions ou travaux par an
c) Températures extrêmes Température inférieure ou égale à 5 degrés Celsius ou au moins égale à 30 degrés Celsius 900 heures par an
d) Bruit mentionné à l’article R. 4431-1 Niveau d’exposition au bruit rapporté à une période de référence de huit heures d’au moins 80 décibels (A) 600 heures par an
Exposition à un niveau de pression acoustique de crête au moins égal à 135 décibels (C) 120 fois par an

 

Tableau 3 : Seuils au titre de certains rythmes de travail

FACTEUR DE RISQUES PROFESSIONNELS  SEUIL 
ACTION OU SITUATION  INTENSITÉ MINIMALE  DURÉE MINIMALE
a) Travail de nuit dans les conditions fixées aux articles L. 3122-29 à L. 3122-31 Une heure de travail entre 24 heures et 5 heures 120 nuits par an
b) Travail en équipes successives alternantes Travail en équipes successives alternantes impliquant au minimum une heure de travail entre 24 heures et 5 heures 50 nuits par an
c) Travail répétitif caractérisé par la répétition d’un même geste, à une cadence contrainte, imposée ou non par le déplacement automatique d’une pièce ou par la rémunération à la pièce, avec un temps de cycle défini Temps de cycle inférieur ou égal à 1 minute 900 heures par an
30 actions techniques ou plus par minute avec un temps de cycle supérieur à 1 minute

Vous pouvez également télécharger notre fiche pratique sur la pénibilité au travail.

N’hésitez pas à vous rendre sur notre page « Conseils » afin de retrouver toutes les fiches pratiques qui sont mises à votre disposition.

 

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