Le transfert des contrats de travail n’emporte pas transfert du règlement intérieur

transfert des contrats de travail et règlement intérieur

La cour de cassation décide, pour la première fois, qu’en cas de transfert de salariés à une entreprise nouvellement créée, celle-ci ne peut pas appliquer le règlement intérieur de la société cédante et ne peut donc pas prononcer de sanction sur son fondement.

 

Règlement intérieur et transfert d’entreprise

Rares sont les décisions se prononçant sur le sort du règlement intérieur en cas de transfert d’entreprise, le Code du travail étant, pour sa part, muet sur le sujet. C’est pourquoi l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 17 octobre 2018 mérite l’attention.

Dans le cadre d’une opération de restructuration intervenue en 2008, la société DHL international express France, nouvellement créée, reprend l’activité et les salariés de l’une des 5 entités économiques de la société DHL express. Elle applique le règlement intérieur établi par cette dernière, notamment en matière disciplinaire. Considérant que ce règlement intérieur n’est plus opposable aux salariés ainsi transférés, un syndicat demande sa suspension devant le juge des référés. Celui-ci accède à cette requête. Sa décision est approuvée par la Cour de cassation.

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Un règlement intérieur n’est pas un engagement unilatéral

Le chef de la nouvelle entreprise soutenait qu’il pouvait se prévaloir du règlement intérieur de l’entreprise cédante dans la mesure où ce document est assimilable à un engagement unilatéral s’imposant au nouvel employeur en cas de transfert d’une entité économique autonome et des salariés y travaillant en application de l’article L 1224-1 du Code du travail. Il a en effet été jugé que, dans ce cas, le nouvel employeur doit appliquer au personnel de l’entité économique transférée les usages et engagements unilatéraux en vigueur au jour du transfert (notamment : Cass. soc. 9-10-2001 n° 99-43.661 FS-PB : RJS 12/01 n° 1447), cette obligation justifiant même la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés (Cass. soc. 11-1-2012 n° 10-14.614 FS-PB : RJS 3/12 n° 219).

La chambre sociale de la Cour de cassation réfute cet argument. Pour elle, s’il est bien établi par l’employeur, le règlement intérieur constitue un acte réglementaire de droit privé, dont les conditions sont précisément encadrées par la loi. Ce faisant, elle confirme la nature juridique conférée à ce document par un précédent arrêt déjà ancien (Cass. soc. 25-9-1991 n° 87-42.396 PF : RJS 11/91 n° 1207). Le règlement intérieur n’a donc pas la nature d’un engagement unilatéral de l’employeur.

La Cour en conclut aujourd’hui qu’il n’est donc pas transféré avec les contrats de travail et le cessionnaire ne peut pas appliquer de plein droit le règlement de l’entreprise cédante. Elle ajoute alors que l’application de ce règlement en matière disciplinaire constitue un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser. En l’espèce, son application est donc suspendue tant que les formalités légales et réglementaires d’adoption d’un nouveau règlement intérieur ne sont pas accomplies et le prononcé de sanctions disciplinaires sur son fondement est interdit.

À noter : Selon la jurisprudence, dans les entreprises non dotées d’un règlement intérieur, alors que sa mise en place s’impose au regard de l’effectif, une sanction disciplinaire, autre que le licenciement légalement prévu et encadré, ne peut pas être prononcée contre un salarié (Cass. soc. 23-3-2017 n° 15-23.090 FS-PB : RJS 6/17 no 389).

 

Un nouveau règlement doit être établi par le cessionnaire

La chambre sociale ajoute que, en application de l’article R 1321-5 du Code du travail, il appartient au nouvel employeur d’élaborer son propre règlement intérieur dès lors qu’il remplit la condition d’effectif requise (actuellement au moins 20 salariés). Ainsi, conformément à ce texte, il doit établir un tel règlement dans les 3 mois suivant l’ouverture de l’entreprise. Il doit pour cela suivre la procédure également imposée par ledit Code : consultation du comité social et économique, ou du comité d’entreprise et du CHSCT (ou des délégué du personnel à défaut de CE), communication du règlement à l’inspection du travail, dépôt au greffe du conseil de prud’hommes, obligation de le porter, par tout moyen, à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux locaux où se fait l’embauche (C. trav. art. L 1321-4 et R 1321-1 s.).

À noter : En l’espèce, l’entreprise dans laquelle les salariés ont été transférés était nouvelle. On peut penser que, dans le cas contraire, si l’entreprise cessionnaire est déjà dotée d’un règlement intérieur, les salariés qui y sont transférés sont soumis à celui-ci, même si cela n’a jamais été dit expressément. Au besoin, ce règlement pourrait être modifié en respectant la même procédure que ci-dessus. Rappelons que, en ce qui concerne la consultation des représentants du personnel, le Conseil d’État a jugé que l’entreprise doit soumettre son règlement intérieur aux représentants du personnel de l’entité absorbée, dont les mandats se poursuivent après le transfert, sous peine d’être inopposable aux salariés de cette dernière (CE 20-3-2017 n° 391226 : RJS 6/17 n° 450).

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Source de l’article sur le transfert des contrats de travail et transfert du règlement intérieur : Editons Francis Lefebvre / Cass. soc. 17-10-2018 n° 17-16.465 FS-PB, Sté DHL international express France c/ syndicat CGT des salariés de DHL international express.

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