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Salarié gréviste : Réagir face à un salarié qui suit le mouvement national de grève du 10 Septembre prochain
« Bloquons le pays le 10 septembre prochain ! ». Vous avez sans doute vu passer cet appel à la mobilisation sur les réseaux sociaux tout au long de l’été. Né sur internet, l’objectif du mouvement est de paralyser le pays pendant une journée, afin de contester les mesures proposées par le gouvernement Bayrou pour réaliser 43,8 milliards d’euros d’économies en 2026. Parmi ces mesures : la suppression de deux jours fériés, qui a mis le feu aux poudres.
Des collectifs de citoyen sont directement montés au créneau en appelant à la grève et à une mobilisation massive le mercredi 10 septembre 2025. L’appel à la mobilisation est devenu viral. Courant du mois d’août, le mouvement reçoit des soutiens politiques et syndicaux, tels que le CGT et Sud solidaires.
En tant qu’employeur, certains de vos salariés vous ont peut-être informé de leur choix de rallier ce mouvement de grève. La grève étant une situation exceptionnelle, vous vous posez certainement de multiples questions : mes salariés ont-ils droit de ne pas venir travailler pour faire grève ? Doivent-ils me prévenir en amont ? Quelles sont les conséquences de leur absence pour cause de grève ? Employeurs, faisons donc le point sur l’encadrement du droit de grève et sur les bons réflexes à adopter dans une telle situation.
Le droit de grève est prévu par la Constitution. Pour cette raison, face à un salarié qui fait grève, vous devez faire preuve de vigilance. Le droit de grève étant un droit fondamental, il octroie aux salariés une protection juridique. Si vous obstruez ce droit de grève, vous pourrez être poursuivi par le salarié sur le fondement de la discrimination.
À lire, notre article sur le sujet des employeurs, comment gérer la grève ?
Les éléments constitutifs de la grève
La définition du droit de grève s’est construite au fil des années grâce à la jurisprudence. Est qualifié de grève une cessation du travail collective et concertée portant des revendications professionnelles.
Si ces conditions ne sont pas réunies, l’arrêt du travail ne sera pas qualifié de grève mais de mouvement illicite. Les salariés ne bénéficient dans ce cas pas de la réglementation protectrice liée à la grève et pourront être sanctionnés à ce titre. A l’inverse, si l’un de vos salariés exerce son droit de grève dans les conditions fixées par la Cour de cassation, vous devrez traiter cette situation dans le respect de la réglementation.
La cessation totale du travail
La grève est caractérisée par un arrêt du travail. La durée de celui-ci importe peu : la grève peut durer une heure comme plusieurs semaines. Ce qui est déterminant est que la cessation du travail soit totale. Ne sera par exemple par considéré comme gréviste un salarié qui refuserait d’exécuter la moitié des tâches qui lui sont dévolues.
La cessation collective et concertée du travail
La grève étant un mouvement social par nature collectif, elle doit logement être suivie par au moins deux salariés. Par principe, un salarié ne peut pas agir seul et se considérer comme gréviste, sauf s’il suit un appel à la grève lancé au niveau national par les syndicats par exemple.
Les salariés qui vous informeraient de l’exercice du droit de grève le 10 septembre 2025 se trouveraient dans ce cas. Même si un seul de vos salariés est concerné, il serait quand même considéré comme gréviste car le mouvement est bien collectif et découle d’une concertation au niveau national.
Des revendications professionnelles
Le salarié qui prend la décision de faire grève doit communiquer à son employeur ses revendications. Celles-ci doivent avoir un caractère professionnel. Il peut s’agir de revendications à caractère salarial, relatives aux conditions de travail, portant sur la défense de l’emploi, etc.
La notion de revendication professionnelle est entendue par la jurisprudence de manière assez large. Ainsi, l’exercice du droit de grève dans le cadre de la réforme des retraites sera analysé comme une « grève de solidarité externe » : la participation à une grève générale pour porter des revendications générales et communes à un nombre important de travailleurs.
Ainsi, le salarié qui vient vous informer qu’il fera grève mercredi 10 septembre 2025 car il rallie le mouvement lancé par les syndicats au niveau national pour porter des revendications sur la réforme des retraites entre bien dans le champ d’application de la grève.
Dans le secteur privé, l’exercice du droit de grève n’est soumis à aucun préavis. L’employeur ne peut ainsi pas reprocher à son salarié de ne pas lui avoir communiqué en amont de l’arrêt du travail, ses revendications professionnelles. L’essentiel est que l’employeur ait eu connaissance de ces dernières au plus tard au moment de l’arrêt de travail. Les modalités d’information de l’employeur n’ont pas d’importance. Mais pour que le salarié bénéficie de la protection attachée au droit de grève, il doit bel et bien informer son employeur de ses revendications professionnelles.
La protection du salarié dans l’exercice de son droit de grève
Les salariés peuvent exercer leur droit de grève, droit qui est protégé par la Constitution. Ils ne peuvent à ce titre faire l’objet d’une sanction, voire même d’un licenciement. Seule une faute lourde commise par le salarié peut justifier le licenciement d’un gréviste. En l’absence de faute lourde, le licenciement sera nul et entrainera la réintégration du salarié dans l’entreprise et le versement au salarié d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir depuis son éviction de l’entreprise.
Ainsi, le salarié qui ne se présente pas à son poste de travail le mercredi 10 septembre 2025 après vous avoir informé de sa participation au mouvement de grève ne peut pas être sanctionné à ce titre. Si vous le sanctionnez, le risque de contentieux prud’homal sur le fondement de la discrimination est élevé.
Toutefois, la protection des salariés grévistes comporte des limites. Ils doivent notamment respecter le travail des non-grévistes. A ce titre notamment, le blocage de l’accès à un site ou l’occupation des locaux dans la seule intention d’empêcher les salariés de travailler constituent des actes abusifs.
Les grévistes ne peuvent pas non plus, sous couvert de l’exercice du droit de grève, dégrader des locaux ou du matériel.
L’exercice du droit de grève n’octroie pas aux salariés une immunité totale : ils sont responsables des abus qu’ils commettent.
La frontière peut parfois être difficile à tracer entre l’exercice normal du droit de grève et les abus commis. Un arrêt récent de la Cour de cassation vient illustrer la perméabilité entre les deux.
Il est de jurisprudence constante que la nullité du licenciement n’est pas limitée au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève, mais s’étend à tout licenciement prononcé à raison d’un fait commis au cours de la grève et qui ne peut pas être qualifié de faute lourde.
L’arrêt de Cour de cassation du 23 novembre 2022 concerne un salarié qui avait encouragé certains de ses collègues à rallier un mouvement de grève. L’employeur avait prononcé le licenciement du salarié pour faute lourde en considérant qu’il avait eu une démarche d’intimidation envers ses collègues et une intention de nuire à l’employeur. La Cour de cassation a considéré qu’il apparait logique d’inclure dans l’exercice du droit de grève, des phrases de concertation entre les salariés, qui ne se traduisent pas une certaine incitation. Le licenciement du salarié est donc nul.
Pour ces raisons, en tant qu’employeur, vous devez redoubler de vigilance dans le traitement de la situation d’un salarié gréviste. Dans le cadre de la grève du 10 septembre, la situation sera probablement la suivante : le salarié vous informera qu’il ne viendra pas travailler car il rallie le mouvement de grève national lancé par les syndicats, et il se rendra à une manifestation organisée dans la ville la plus proche. Dans un tel cas, il y a très peu de chance que le salarié commette une faute lourde, caractérisée par une intention de vous nuire. Ainsi, vous ne pourrez pas sanctionner votre salarié pour des abus commis dans le cadre de l’exercice de son droit de grève. Vous ne pouvez qu’acter de la décision du salarié de faire grève et de son absence ce jour.
L’exercice du droit de grève par le salarié entraine la suspension de son contrat de travail, mais ne le rompt pas. Cette suspension du contrat de travail suspend l’obligation de l’employeur de lui verser son salaire, qui pratiquera une retenue. Attention, la retenue à opérer sur la rémunération du salarié gréviste doit être strictement proportionnelle à la durée de l’arrêt de travail. La retenue effectuée au-delà est qualifiée de sanction pécuniaire, ce qui est totalement prohibé en droit du travail.
Par exemple, si un salarié fait grève uniquement le matin du 10 septembre mais revient travailler l’après-midi, l’employeur ne pourra pas effectuer une retenue sur salaire au titre de la journée entière.
La jurisprudence a pu se prononcer à plusieurs reprises sur cette notion de proportionnalité. Pour être proportionnelle à l’interruption du travail, la retenue pour fait de grève doit être calculée sur l’horaire mensuel des salariés et non par jours calendaires. Concernant le cas spécifique des salariés sous convention de forfait annuel en jours, la retenue sur salaire se calcule en fonction d’un salaire horaire « fictif » lorsque la grève est d’une durée inférieure à la journée complète ou à la demi-journée.
Il convient également d’être vigilant par rapport aux primes. En effet, réduire ou supprimer une prime à un salarié en raison de sa participation à une grève est discriminatoire. Mais une telle mesure ne sera pas discriminatoire si les autres absences, autres que celles que la loi assimile à du temps de travail effectif (ce n’est pas le cas de l’absence pour cause de grève), entrainent également une suppression ou une réduction de la prime.
Enfin, l’exercice du droit de grève ne doit fait l’objet d’aucune mention sur le bulletin de paie. Il conviendra de renseigner une « absence non rémunérée » et en aucun cas de faire référence à la grève.
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