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Congés payés, arrêt maladie et heures supplémentaires : tout savoir sur la nouvelle jurisprudence
En matière de congés payés et maladie, la liste des questions que l’on pourrait se poser est longue et notamment, l’acquisition des congés payés, le sort des congés payés lorsque le salarié tombe malade pendant ceux-ci, le décompte du temps de travail une semaine où le salarié est partiellement en congés payés.
La Cour de cassation le 13 septembre 2023 a déjà répondu à la première interrogation en considérant que le salarié en arrêt de travail continue d’acquérir des congés payés. La loi du 22 avril 2024 (n°2024-364) a précisé les contours de ce nouveau principe applicable en vertu du droit Européen.
Restaient toutefois en suspens les questions du sort des congés payés lorsque le salarié tombe malade pendant ses congés payés et du décompte des heures supplémentaires en cas de prise de congés payés.
Maladie pendant les congés payés : pouvez-vous reporter vos jours ?
La position historique en droit français : pas de report possible
Jusqu’à présent, la référence en droit français sur la question du salarié tombant malade pendant ses congés payés remontait à un ancien arrêt du 4 décembre 1996 (Cass. soc., n° 93-44907). Ainsi, la Cour de cassation considérait qu’un salarié ne pouvait pas reporter ses congés lorsqu’il tombait malade pendant sa période de congé et ne pouvait donc pas prétendre à une nouvelle période de repos.
La contestation par le droit européen : deux régimes distincts
Or, au fil des années, cette position a été de plus en plus contestée, notamment à la lumière du droit de l’Union européenne. En effet, en 2012, la CJUE (affaire C 78/11, arrêt du 21 juin 2012) a jugé qu’un salarié qui tombe malade durant ses congés payés doit pouvoir reporter les jours de congé non réellement pris en raison de l’arrêt de travail. Elle a rappelé que les finalités des deux régimes sont distinctes :
le congé annuel payé vise le repos et les loisirs ;
le congé maladie permet au salarié de se soigner et se rétablir.
Cette position avait déjà été affirmée en 2009 (CJUE, 20 janvier 2009, aff. C 350/06 et C 520/06, Schultz-Hoff et aff. C 277/08).
Un revirement de plus en plus inévitable en France
Face à une jurisprudence européenne cohérente et constante, le décalage du droit français devenait difficile à justifier. Le revirement était déjà amorcé puisque :
la Cour d’appel de Versailles, le 18 mai 2022 (RG n° 19/03230), a reconnu le droit au report des congés payés en cas de maladie, suivant la CJUE ;
le législateur, avec la loi du 22 avril 2024 (loi n° 2024-364, art. 37), a introduit la possibilité de reporter les congés acquis lorsque le salarié est dans l’impossibilité de les prendre en raison d’un arrêt maladie ou accident, conformément au droit européen.
La Commission européenne a intensifié la pression en engageant une procédure d’infraction contre la France pour manquement à la directive 2003/88/CE, et l’a contrainte à se conformer au droit communautaire dans un délai de 2 mois à compter du 18 juin 2025.
L’arrêt du 10 septembre 2025 : reconnaissance du droit au report
C’est chose faite ce 10 septembre 2025, puisque la Cour de cassation reconnait un droit au report des jours de congés payés lorsqu’ils coïncident avec un arrêt maladie dès lors que la maladie empêche le salarié de se reposer (Cass. soc. 10-9-2025 n° 23-23.732 FP-BR). Elle ajoute cependant une condition : le salarié doit notifier l’arrêt maladie à son employeur.
Les zones d’ombre et les interrogations pratiques
Si cet arrêt du 10 septembre 2025 marque une avancée jurisprudentielle importante, il soulève de nombreuses interrogations pratiques, tant pour les employeurs que pour les salariés.
👉 La notification de l’arrêt maladie La Cour de cassation n’apporte pas de précisions sur les modalités de notification de l’arrêt maladie par le salarié, condition pourtant posée à l’exercice du droit au report des congés. En l’absence de règles spécifiques, on peut raisonnablement considérer que le salarié doit respecter les obligations classiques applicables en cas d’arrêt de travail, notamment :
informer son employeur dès le début de l’arrêt ;
lui transmettre le volet de l’arrêt de travail dans un délai de 48 heures, sauf dispositions conventionnelles plus strictes.
👉 Le traitement en paie de la période d’arrêt maladie Autre point crucial : le traitement en paie de la période d’arrêt maladie qui se superpose à des congés payés. Si les congés sont effectivement reportés du fait de l’arrêt, la période concernée devrait logiquement être indemnisée comme un arrêt de travail classique (Sécurité sociale, maintien de salaire selon les cas, application des jours de carence éventuels, etc.).
👉 La question de la rétroactivité Enfin, une question de fond demeure : celle de la rétroactivité. Le salarié pourra-t-il invoquer ce droit au report pour des congés perdus antérieurement à l’arrêt du 10 septembre 2025 ? Quelle sera la durée de prescription applicable ? Ces sujets pourraient justifier une intervention législative.
Décompte des heures supplémentaires en cas de prise de congés payés
L’ancienne règle française : seuls les temps de travail effectif comptaient
Jusqu’alors, la Cour de cassation considérait que seuls les temps de travail effectif devaient être pris en compte pour apprécier le dépassement de la durée légale hebdomadaire (35 h) ouvrant droit à majoration. Les jours de congés payés n’étaient donc pas inclus dans ce calcul (jurisprudence constante depuis 2004).
Cette position reposait sur l’article L. 3121-28 du Code du travail, qui conditionne le déclenchement des heures supplémentaires à un dépassement du temps de travail effectif.
Le revirement de la Cour de cassation du 10 septembre 2025
Dans la sage mise en conformité avec le droit européen, le 10 septembre 2025, la Cour de cassation a rendu un second arrêt (Cass. soc. 10 septembre 2025, n° 23-14455 FP-BR), opérant un revirement sur le décompte des heures supplémentaires en cas de congés payés.
Désormais, les jours de congés payés doivent être pris en compte dans le décompte hebdomadaire des heures supplémentaires, dès lors que ce décompte est effectué sur une base hebdomadaire. Ainsi, le salarié peut prétendre aux heures supplémentaires qu’il aurait perçues s’il avait travaillé toute la semaine, y compris s’il a été en congé payé sur une partie de celle-ci.
Depuis plusieurs années, la CJUE considère que toute pratique pouvant dissuader un salarié de prendre ses congés payés est contraire au droit de l’Union. Notamment, dans un arrêt du 13 janvier 2022, elle a jugé que l’exclusion des congés payés dans le calcul des heures supplémentaires est contraire au droit européen, car elle crée un désavantage financier indirect.
Dans son arrêt du 10 septembre 2025, la Cour de cassation écarte donc l’application de l’article L. 3121-28 dans la mesure où celui-ci est contraire à l’article 7 de la directive 2003/88/CE et à l’article 31 §2 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, tous deux dotés d’effet direct.
Heures supplémentaires et congés payés : Exemple pratique
Un salarié en congés lundi et mardi travaille 8,5 h les trois jours suivants.
Avant l’arrêt du 10/09/2025 : seuls les 25,5 h étaient comptabilisées → aucune heure supplémentaire.
Désormais : les jours de congés sont pris en compte → 7 h + 7 h + 25,5 h = 39,5 h → 4,5 h supplémentaires à majorer.
Attention toutefois à la nature du décompte. La Cour limite sa décision au décompte hebdomadaire. Elle ne se prononce ni sur les autres modes de décompte (mensuel, annuel), ni sur la question de savoir si elle vise les 4 semaines garanties par le droit européen ou bien les 5 semaines prévues par le Code du travail.
Nous attendons des précisions sur les points en suspens.
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